Lancées en 1989 par le Carrefour culturel Arnaud-Bernard, les Conversations Socratiques, fleuron de notre ambition et de notre action pour une France radicalement démocratique et radicalement pluraliste, avaient (et ont toujours) à la fois pour but et pour moyens :
– d’élargir le public de certaines de nos discussions quotidiennes de rue, de café, de bancs sur les places, en organisant des rencontres plus ou moins régulières sur des thèmes définis
– de donner l’occasion à certains débats sur des problèmes qui demandent des conclusions pratiques et urgentes (au Comité de quartier, dans les associations culturelles, etc..) et qui font des débatteurs frustrés, de se développer largement et de partir à hue et à dia (tour du monde des philosophies, religions, réponses culturelles ou politiques diverses dans les différentes civilisations, exemples historiques à méditer, etc..) sans contraintes (ou plutôt avec des contraintes moins fortes d’horaire et de hors-sujet) mais quand même dans l’idée de retour à un moment à nos problèmes concrets (pour éviter les utopismes et pour obliger les intervenants à proposer des choix) (1);
– d’user pour ce faire et pour la populariser, de la maïeutique socratique, à notre sens l’exercice pédagogique le plus fécond pour la participation du plus grand nombre à l’élévation des débats (2);
– d’associer à l’organisation (pour les pousser a participer aux discussions), et aux discussions, les gens du quartier et d’ailleurs (tous bienvenus) les plus divers par leurs origines nationales ou culturelles, leur niveau d’étude, leur situation sociale, leur âge, etc..;
– de s’organiser, toujours dehors, au vu et au su de tous (habitants du quartier, gens de passage) ; ce faisant la publicité de nos manifestations se fait toute seule ; personne n’est écarté, des gens peuvent écouter en se tenant à distance, partir quand ils veulent, ne pas se sentir « enfermés » d’aucune manière (topographiquement mais aussi idéologiquement, nous avons remarqué que les deux agissent l’une sur l’autre);
– d’inviter des spécialistes de petite ou grande renommée pour que nous les découvrions tous dans le même mouvement et au même niveau. Ce :
* afin de rencontrer les gens que nous n’aurions pu rencontrer qu’en voyageant loin ;
* afin que ces personnalités rencontrent d’autres gens que les amateurs éclairés et soient confrontés à des questions dont ils ont peu l’habitude ;
– de construire ainsi, peu à peu, un folklore civique de la discussion (un lieu d’échanges et de confrontation des opinions élaborées ou voulant s’élaborer, un ensemble d’habitudes), de la participation et du contre-pouvoir.
Les deux caractères principaux de nos conversations (l’organisation sur la place publique et dans un quartier à partir des problèmes y existant, ce qui amène la possibilité de sanctions dans un quartier où l’interconnaissance est forte, on ne peut pas impunément dire le contraire de ce que l’on fait) ont été écartés par le mouvement des cafés philosophiques, tentative de récupération et d’institutionnalisation de nos conversations qui a spectaculairement réussi.
(1) Nous sommes obligés tous les jours d’inventer des réponses pratiques aux problèmes du monde, qui se posent tous à leur manière dans le quartier. Réponses pratiques qui sont toujours, quelles qu’elle soient, résultat d’une posture générale sur les problèmes du monde. Le questionnement à l’Infini, comme non-réponse, est une réponse : celle du laisser-faire, sur le terrain.
(2) Dans une lecture anti-platonicienne de Platon et pour sa socratisation (vision d’un Socrate démocrate : agora, discussions, acceptation de la loi de la majorité, volonté de convaincre et non d’imposer).
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